L’anosognosie

Une des richesses de l’être humain est qu’il est capable d’autoréflexion ou de métacognition, c’est-à-dire qu’il peut avoir une réflexion sur ses propres pensées et comportements (ex: j’ai du mal à contrôler les émotions; j’ai souvent du mal à me concentrer, etc.).

Cependant, chez les personnes qui présentent des lésions cérébrales (par exemple, suite à un AVC, un traumatisme crânien, une tumeur ou une maladie neurodégénérative), les capacités de métacognition et de conscience de soi peuvent être atteintes. C’est souvant le cas, quand le lobe frontal ou le lobe pariétal de l’hémisphère droit ont été touchés. Dans ce cas, les patients ont tendance à mal évaluer leurs comportements. Ils peuvent complètement sous-estimer leurs difficultés et à surestimer leurs capacités, alors que leurs proches, eux, relatent un point de vue complètement différent.

Quand un patient cérébrolésé n’a pas conscience de ses troubles, on parle alors d’anosognosie. Il est important de l’aider à prendre progressivement conscience de ses difficultés car c’est seulement à cette condition qu’il pourra devenir pleinement acteur de sa revalidation et mettre en place (avec l’aide d’un thérapeute et de ses proches) des stratégies visant à compenser ses difficultés et le handicap qu’elles entraînent.

Cependant, il faut aussi savoir que la prise de conscience de ses déficits s’accompagne souvent d’une augmentation de l’anxiété et de la dépression. Il est donc important que le patient soit soutenu dans ce processus, afin que cela ne se transforme pas en une expérience négative.

Catherine Demoulin

Un phénomène étrange : l’héminégligence

L’ héminégligence (ou la négligence unilatérale) est un trouble curieux. Les personnes qui en souffrent présentent généralement une lésion cérébrale de l’hémisphère droit (provoquée, par exemple, par un accident vasculaire cérébral). Suites à ces lésions, elles ont tendance à ignorer tout ce qui se situe dans leur champ visuel gauche (le côté opposé à la lésion) ou le côté gauche de leur corps, ce qui peut se marquer de différentes manières dans la vie quotidienne :

  • ne manger que les aliments situés dans la partie droite de leur assiette
  • se raser/se maquiller un seul côté du visage
  • ignorer une personne qui se trouve à sa gauche
  • ne dessiner que le côté droit d’un objet ou que les dessins qui se trouvent sur la partie droite de la feuille
  • lire uniquement les pages de droite d’un livre, ou bien le côté droit du texte
  • Se cogner systématiquement à des objets situés à gauche
  • Écrire sur le côté droit d’une feuille (marge de gauche anormalement large)
  • Se laver et habiller uniquement le côté droit du corps, etc.

Il existe des cas de patients atteints d’une lésion hémisphérique gauche qui présentent une néglignece du côté droit, mais c’est nettement plus rare et souvent moins sévère et moins durable.

La négligence peut concerner l’espace ou bien être centrée sur l’objet (ignorer un coté de l’objet, quelle que soit la position de cet objet par rapport à notre corps). Elle peut également toucher les représentations mentales de l’espace, comme l’a démontré l’équipe milanaise de Bisiach, en 1986: ainsi, quand on leur demande de décrire de mémoire un endroit qu’ils connaissent bien, certains patients ne décrivent qu’un seul côté, selon le point de vue qu’ils ont pris. Dans ce cas, l’espace imaginé, représenté est donc également atteint.

Quand on demande à des personnes atteintes d’héminégligence de copier un dessin, voici des exemples de ce qu’elles peuvent produire:

fig4heminegligence_dessin_585

0060
L’héminégligence s’accompagne souvent d’une anosognosie, c’est à dire que le patient n’a pas conscience de son trouble, même quand on tente de lui démontrer ses erreurs. Heureusement, habituellement, l’anosognosie régresse et le patient peut prendre progressivement conscience de son trouble.

Pourquoi pas le coté droit ?

Enfin, on peut se demander pourquoi ce sont généralement les lésions dans l’hémisphèrique droit qui provoquent la négligence du coté gauche de l’espace (ou des objets) et non l’inverse. Tout d’abord,  il faut rappeler que chaque hémisphère perçoit et envoit des informations au côté opposé du corps. Si on vous enlève l’hémisphère droit, vous serez, entre autres, paralysé du coté gauche et vice-versa… Ensuite, ce sont généralement des lésions dans les régions pariétales qui conduisent à l’héminégligence. Or, le lobe pariétal joue un rôle essentiel dans l’attention et la perception visuo-spatiale. Cela pourrait suggérer que le cortex pariétal droit a un rôle plus important que le gauche dans le contrôle de l’attention. Aujourd’hui, la majorité des modèles théoriques de l’héminégligence postulent, en effet, un déficit de nature attentionnelle. Il reste cependant encore beaucoup de questions en suspens et il faut bien reconnaître que l’héminégligence (ou les différentes formes d’héminégligences ?) est encore un syndrôme mal compris.

Catherine Demoulin