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Activité physique & nature contre Anxiété & Dépression

En Belgique comme en France, on consomme énormément d’anti-dépresseurs et d’anxiolytiques. Et dans la majorité des cas, ceux-ci sont prescrits par un médecin généraliste, non par un psychiatre. Or, idéalement, ces médicaments ne devraient être utilisés que dans les formes graves de dépression ou d’anxiété (donc après diagnostic émis par un spécialistes de ces troubles). Pour les formes moins sévères de dépression et d’anxiété, une psychothérapie est recommandée, afin d’explorer les causes du mal-être, d’exprimer et de partager le vécu émotionnel, d’envisager des solutions, des changements dans le mode de vie, etc. Malheureusement, on a aujourd’hui tendance à médicaliser très vite les états émotionnels liés aux événements de la vie et à vouloir soulager immédiatement les difficultés psychologiques sans accompagnement et travail psychologique.

Or, les émotions ont une fonction informative: elles véhiculent un message, nous indiquent si nos besoins sont satisfaits. Par exemple, si je vis une rupture amoureuse, il est normal de me sentir triste car mon besoin de sécurité affective notamment mis à mal. Un grand nombre de pathologies psychologiques ont leur origine dans la non-réalisation de ses besoins (ex: besoin de reconnaissance, besoin d’affection, de sécurité, besoin de liberté, besoin d’accomplissement…). Un travail sur ces besoins fondamentaux est donc un élément central dans la résolution des conflits intérieurs et extérieurs.

A ce travail thérapeutique, devraient s’ajouter une activité physique régulière et des sorties nature. En effet, ces activités peu coûteuses peuvent être considérées comme des stratégies importantes dans la régulation des émotions. Nous allons découvrir pourquoi.

Les effets de l’exercice physique sur l’état émotionnel

On sait déjà que l’activité physique nous protège contre de nombreuses maladies (diabètes, maladies cardiaques, cancer du colon, hypertension…), améliore la qualité de notre sommeil et celle de notre vie sexuelle. Mais ses effets positifs ne se limitent pas à notre santé physique. De plus en plus d’études montrent, en effet, que l’exercice physique peut représenter un traitement efficace contre la dépression légère à modérée, et contre l’anxiété (voir la méta-analyse récente de Aylett, Smal & Bower, 2018). Allier travail thérapeutique et programme d’activité physique serait particulièrement bénéfique.

Voici quelques effets immédiats du sport sur le cerveau :

  1. Augmentation la sensation de bien-être : le sport entraîne la libération d’une série d’hormones et de neurotransmetteurs, comme les endorphines, la dopamine et la sérotonine. Cela favorise après-coup une sensation de bien-être, d’apaisement. Plus on bouge, plus on a envie de bouger davantage, car le cerveau en redemande. C’est un cercle vertueux.
  2. Déconnexion : lorsqu’on est concentré sur une activité physique, le cortex préfrontal (siège notamment des ruminations…) connaît une baisse d’activité. Les ressources du cerveau sont recrutées pour la perception, la planification et l’exécution des mouvements du corps. Cela permet de se « vider l’esprit » des soucis, de mettre en pause les ruminations mentales que connaissent les personnes déprimées ou anxieuses.
  3. Réduction de l’hormone du stress : le stress chronique (que vivent les personnes anxieuses) s’accompagne d’une montée de cortisol, ce qui s’avère délétère à long terme pour le cerveau. Or, l’activité physique permet justement de réduire le niveau de cortisol et pourrait même « réparer » les dégâts provoqués par l’excès de cortisol sur certaines régions cérébrales.
  4. Augmentation de l’estime de soi et du sentiment de compétence : l’estime de soi et le sentiment de compétence sont généralement défaillants en période de mal-être. L’activité physique permet de rehausser ces sentiments. Lorsqu’on se dépasse, qu’on fait l’effort de surmonter sa tendance à l’inertie et qu’on atteint un petit objectif, on se sent généralement content de soi après-coup (pour autant qu’on ne se soit pas fixé des objectifs irréalistes).

A plus long terme, une activité physique régulière entraîne aussi d’importants bénéfices sur le cerveau et les fonctions cognitives, notamment sur l’attention, la mémoire à long terme et les fonctions exécutives. D’où l’importance de la régularité.

Alors pour notre équilibre mental… Bougeons ! Quelles que soient les activités physiques choisies (marche, jardinage, jogging, vélo, fitness, tennis, basket, boxe, yoga, natation…), l’essentiel est qu’elles soient régulières (3 à 5 fois semaine). Choisissez des activités qui vous plaisent. L’accompagnement d’un coach personnel n’est pas un luxe pour démarrer si votre « coach intérieur » est défaillant.

Passons maintenant aux bienfaits de la nature sur notre moral.

Les effets de la nature sur l’état émotionnel

Notre besoin de nature est généralement insatisfait mais peu d’entre nous en ont conscience. En effet, sur le plan de l’évolution, nous ne sommes pas adaptés à rester assis derrière un bureau 8 h par jour sous des lumières artificielles et derrière un écran. A contrario, notre corps est tout à fait adapté à marcher, à courir, à explorer l’environnement et à vivre au rythme de la nature. D’ailleurs, l’hormone du sommeil est libérée progressivement lorsque la lumière du jour baisse. Or, pour beaucoup d’entre nous, notre environnement est de plus en plus urbain, avec de moins en moins d’expérience avec la nature.

Un nombre croissant d’études démontre l’impact positif de la nature sur notre santé tant physique que mentale, et cela à tout âge de la vie (e.g., Bowler et al. 2010). Ainsi, l’exposition à la nature entraîne:

  • une diminution du stress (baisse du rythme cardiaque, de la pression artérielle et du taux de cortisol),
  • une amélioration de l’humeur,
  • une hausse de l’estime de soi
  • une hausse du sentiment de bonheur

En outre, des recherches montrent que les relations avec la nature peuvent aider à retrouver des rythmes physiologiques « normaux », souvent perturbés dans les moments de dépression et d’anxiété (insomnies, manque ou excès d’appétit…). Par exemple, elles favorisent le sommeil, grâce à l’exposition à la lumière naturelle.

Au Japon, des thérapies « bains de forêt » (shinrin-yoku) sont d’ailleurs reconnues par les autorités sanitaires et frequemment prescrites pour lutter contre le stress quotidien.

En résumé, allier « activité physique » et « bains de nature » est une stratégie simple, peu coûteuse et efficace pour améliorer ou maintenir son bien-être physique ET mental.

Enfin, rappelez-vous que « un peu est mieux que rien ». Même s’il est clair qu’il est très difficile de se bouger ou de sortir quand on se sent mal ou déprimé, dites-vous que c’est toujours le démarrage qui est le plus compliqué.

« Si tu n’arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore ».

Jean GIONO

Bouger pour être plus attentif

Après avoir évoqué les effets positifs de l’exercice physique sur la mémoire chez l’adulte, voici un aperçu de ses bénéfices sur l’attention, et plus précisément dans le traitement du TDAH.

Le TDAH

Le diagnostic de TDA/H (trouble dysfonctionnel de l’attention avec ou sans hyperactivité) est généralement évoqué chez une personne quand elle présente les symptômes suivants depuis l’enfance et que cela a des conséquences négatives dans son quotidien :

  • Manque de contrôle de l’attention, de concentration
  • Grande distractibilité
  • Impulsivité (comportementale ou cognitive)
  • Agitation (motrice ou cognitive)
  • Difficultés d’organisation
  • Difficulté à réguler ses émotions

Pour plus d’informations sur ce trouble, je vous renvoie vers mon article sur le TDAH

Un trouble accentué par notre mode de vie ?

Bien qu’il y ait toujours eu des enfants beaucoup plus actifs et/ou moins attentifs que d’autres, on peut se demander si notre société actuelle ne favorise pas ce trouble.

D’une part, nous sommes constamment bombardés d’informations et de stimulations diverses, via les écrans notamment. Beaucoup de personnes sans trouble de l’attention se plaignent de passer trop de temps sur des applications comme Facebook, Twitter ou YouTube, conçues pour capturer un maximum notre attention et stimuler le système cérébral de la récompense (système dopaminergique). Mais pour ceux qui souffrent d’un TDAH, c’est encore plus compliqué de résister à ce type de distractions quand il faudrait travailler ou étudier.

D’autre part, notre société est de plus en plus sédentaire. Beaucoup de jeunes ne se défoulent pas assez: ils sont conduits à l’école en voiture pour ensuite rester une bonne partie de la journée assis. Une fois à la maison, il y a les devoirs, puis très souvent les écrans. Les jeunes marchent et jouent de moins en moins à l’extérieur. Certains ont l’opportunité de pratiquer un sport, mais cette bonne habitude n’est pas toujours poursuivie à l’adolescence. Pour beaucoup d’enfants et d’adolescents, on est donc bien loin des 60 minutes d’activité physique quotidiennes recommandées. Des études montrent d’ailleurs que la capacité cardio-vasculaire des jeunes a diminué de 25% en 40 ans… Ainsi, en 1971, un collégien courait 600 mètres en 3 minutes, en 2013 pour cette même distance, il lui en faut 4. Or, comme nous allons le voir, cette sédentarité est délétère pour notre cerveau, et notre concentration, en particulier.

Si une majorité de jeunes semble, malgré tout, bien fonctionner dans cet environnement , il n’en va pas de même pour ceux qui présentent un TDAH. En effet, pour beaucoup de jeunes « hyperactifs », le mouvement renforce la concentration.
Mais pourquoi bouger serait-il bénéfique pour l’attention?

Effets de l’activité physique sur l’attention

Une étude de 2017 a passé en revue la littérature scientifique portant sur cette question. Il en ressort qu’immédiatement après une séance d’exercice cardio (course à pied, vélo, dance…), des effets bénéfiques sont observés chez des enfants TDAH. Plus précisément, on observe une amélioration des fonctions cognitives suivantes :

  • la capacité d’inhibition
  • le contrôle cognitif
  • l’attention sélective
  • la flexibilité
  • la vitesse de traitement
  • la vigilance.

Or, c’est justement ces fonctions cognitives qui sont généralement déficitaires ou plus faibles chez les enfants TDAH.

Les études ont même montré que l’amélioration temporaire de ces fonctions peut conduire à l’augmentation de certaines performances scolaires (juste après l’activité physique), notamment en compréhension à la lecture ou en arithmétique (domaines dans lesquels l’attention est très impliquée). Dans plusieurs études, parents et enseignants rapportent également une amélioration de certains comportements perturbateurs.

L’exercice cardio régulier aurait aussi des effets plus persistants sur la cognition. Plusieurs études ont, en effet, mis en évidence une amélioration à long terme de l’attention soutenue, l’attention sélective, la flexibilité, la planification, l’inhibition, la mémoire de travail verbale, la vitesse de traitement ou encore la coordination motrice chez des enfants avec TDAH.

En conclusion, que ce soit à court ou à plus long terme, l’activité physique comporte des bénéfices qui sont particulièrement intéressants pour les personnes TDAH.

Comment expliquer ces effets ?

En fait, l’exercice physique suffisamment intense et d’une certaine durée améliorerait le fonctionnement cognitif et comportemental des enfants avec TDAH en agissant sur le développement et la croissance des neurones, ainsi que sur les neurotransmetteurs.

En particulier, l’exercice augmente le taux de catécholamines (un groupe de neurotransmetteurs dont font partie la dopamine et la noradrénaline) qui serait typiquement réduit dans certaines zones du cerveau des personnes TDAH. Ces neurotransmetteurs en question jouent un rôle clé, notamment, dans la régulation de l’attention, la vigilance, les émotions et la motivation.

Des médicaments comme le Méthylephénidate, prescrit aux personnes avec TDAH, ont d’ailleurs un effet sur le taux de dopamine en inhibant la recapture des catécholamines, et particulièrement de la dopamine, et stimulent leur libération depuis les neurones en amont. 

Autrement dit, l’exercice physique aurait des effets neurobiologiques à peu près similaires aux psychostimulants, en augmentant la disponibilité des catécholamines dans le cerveau. Mais à la différence des médicaments qui ont un effet temporaire, la pratique régulière d’une activité physique régulière pourrait avoir des effets durables sur le cerveau.

En conclusion, l’exercice physique régulier peut être une option à envisager dans la prise en charge du TDAH, particulièrement quand le traitement pharmaceutique veut être évité ou qu’il n’a pas les effets escomptés. Cependant, le programme d’exercice devrait être bien sûr adapté à chacun et à sa condition physique.

Pour les enfants en particulier, il est primordial de repenser les habitudes de vie et de résister à la sédentarité de notre société actuelle. On peut notamment favoriser les activités physiques et le mouvement dans le quotidien :

  • Privilégier la marche ou le vélo pour les petits déplacements
  • Investir dans des jeux et activités en plein air (scout, trampoline, trottinette, panneau de basket, goal de foot…)
  • Utiliser un ballon type Swiss Ball comme siège ou permettre à l’enfant de travailler debout (ex: avec un tableau au mur),
  • Pratiquer un sport (2-3 fois semaine)
  • Se promener davantage…

Idéalement, l’école devrait aussi intégrer l’exercice physique au quotidien, comme le défend Paul Zientarski dans sa présentation TED. Certaines écoles ont tenté l’expérience avec de beaux résultats, semble-t-il. Certains enseignants ont également aménagé leur classe de manière à ce que ceux qui veulent bouger puissent le faire sans déranger.

Catherine Demoulin

Le haut potentiel d’un point de vue scientifique

Le « HP » est à la mode. Beaucoup d’informations, parfois non fondées, circulent dans les média. Mais qu’en disent les données issues des recherches scientifiques ?

Qu’est-ce que le haut potentiel intellectuel ?

Sur base des recherches actuelles, on peut dire qu’une personne à haut potentiel intellectuel (HP) se caractérise par des aptitudes très élevées (c’est-à-dire qui se distinguent significativement de la norme) dans un ou plusieurs domaine(s) intellectuel(s).

Concrètement, quand le contexte est favorable, le haut potentiel intellectuel s’observe par une rapidité et une facilité d’apprentissage dans les domaines concernés. Autrement dit, les personnes avec HP apprennent plus rapidement et plus aisément que la plupart de leurs pairs, dans leur(s) domaine(s) de prédilection. Elles mettent aussi plus facilement en lien les nouveaux acquis avec leurs connaissances antérieures. En outre, avoir de très bonnes ressources intellectuelles permet généralement de trouver des solutions efficaces à différents problèmes, plus facilement.

Cependant, des facteurs (environnementaux, psychologiques, neurologiques…) peuvent parfois influencer négativement l’actualisation des aptitudes intellectuelles et les hautes capacités ne sont alors pas développées ou exploitées (Brasseur & Cuche, 2017). 

Mais comment identifie-t-on objectivement un haut potentiel intellectuel ?

L’évaluation des capacités intellectuelles

L’intelligence est un concept extrêmement complexe qui n’est certainement pas unidimentionnel. Elle est donc difficilement mesurable. Les tests psychométriques ne mesurent pas avec précision l’intelligence, mais, bien utilisés par un psychologue compétent, ils apportent des informations précieuses sur le fonctionnement cognitif d’une personne à un moment donné, dans certains domaines cognitifs et pour certains types de contenus. Ces informations quantitatives s’ajoutent à celles, plus qualitatives,  récoltées lors de l’ entretien clinique et suite aux observations durant l’évaluation.

Le but d’un bilan intellectuel ne devrait certainement pas être d’étiqueter une personne avec un score de QI mais bien d’avoir un aperçu objectif de ses forces et faiblesses dans certains domaines.

Les échelles d’intelligence de Wechsler (actuellement, WISC-V pour les enfants, WAIS-IV pour les adultes) sont les tests les plus utilisés pour estimer le fonctionnement intellectuel. Concrètement, elles sont composées de plusieurs épreuves évaluant spécifiquement différents domaines.

Ainsi, dans la WISC-V, les cinq domaines sont : la compréhension verbale, le raisonnement non-verbal, le traitement visuo-spatial, la vitesse de traitement et la mémoire de travail.

Dans ce type de tests, les performances d’une personne sont comparées à celles d’un large groupe de personnes du même âge. Plus précisément, pour chaque subtest, la note brute obtenue est ramenée à une note standard (NS), ce qui permet une lecture des performances de la personne au regard d’une distribution normale centrée réduite (courbe de Gauss). Ce procédé rend les notes comparables entre elles, du point de vue de leur distance avec la moyenne obtenue par la population de référence.

Pour chaque épreuvre, la moyenne des NS est de 10 et l’écart type de 3 points. Autrement dit, si on obtient une note de 10 à un subtest, par exemple, c’est considéré comme tout à fait dans la norme (la majorité des personnes de notre âge obtiennent un NS similaire).

Ensuite, pour chaque domaine, une note composite appelée « Indice » est calculée (dans le WISC-V, il y a donc 5 Indices pour chacun des 5 domaines). Ces Indices permettent de situer les performances de la personne par rapport à une moyenne de 100 dans un domaine particulier. Une note de 100 représente la performance moyenne des personnes de l’échantillon et l’écart-type est de 15. Environ 50 % des personnes de la population d’échantillonnage ont une note composite se situant entre 90 et 110 et environ 68%, une note composite entre 85 et 115.

Si les Indices de la personne testée s’avèrent relativement homogènes (càd s’ils ne diffèrent pas significativement les uns des autres d’un point de vue statistique), le QI peut être considéré comme une estimation valide de l’aptitude intellectuelle globale au moment de l’évaluation. Par contre, s’il y a de grandes différences entre des Indices,  le profil est alors dit hétérogène. Le QI n’a pas alors pas beaucoup de pertinence car il ne constitue pas une bonne synthèse du profil et il vaut mieux se concentrer sur chaque Indice.

Quand parler de Haut potentiel ?

Pour parler d’un profil général HP, on s’accorde généralement pour dire que le QI doit s’écarter significativement de la norme (à plus de 2 écart-types). Le seuil de 130 est donc généralement celui à partir duquel on parle de haut potentiel (il correspond à environ 2,2 % de personnes), mais le seuil de 125 est parfois choisi.

Cependant, il faut toujours avoir en tête que ces seuils restent arbitraires et que l’intelligence est une variable continue (non catégorielle). De plus, toute mesure comporte un risque d’erreur. Pour toutes ces raisons, il est judicieux de tenir compte de l’intervalle de confiance (dans lequel le score réel a 95% de chance de se trouver) et bien sûr, des facteurs qui ont pu influencer les performances.

Ainsi, une personne peut sous-performer aux tests pour diverses raisons: stress, manque de motivation, environnement défavorisé, fatigue, lenteur, dépression, trouble de l’attention, du langage ou des fonctions visuo-spatiales ou encore du fait qu’elle n’a pas été testée dans sa langue maternelle. Autant de facteurs qui peuvent entraver les capacités réelles. Une personne peut aussi sur-performer si elle a déjà passé les mêmes épreuves recemment ou si elle s’y est entraînée. Enfin, il peut aussi avoir une légère variabilité selon le psychologue qui fait passer le bilan.

Etant donné que divers facteurs peuvent donc entâcher les scores, les résultats quantitatifs d’un bilan intellectuel doivent toujours être accompagnés des observations, analyses et commentaires d’un psychologue (évaluation qualitative). 

Haut potentiel ou zone(s) de haute potentialité ?

Mais quid d’un profil intellectuel hétérogène ? Comment qualifier le profil d’une personne qui a réalisé des performances exceptionnelles dans un domaine particulier alors que ses performances dans les autres domaines sont moyennes et que le QI est en-dessous du seuil du HP ?

Il est en fait assez fréquent de rencontrer des profils hétérogènes dans le HP. Comme souligné plus haut, quand les différences entres certains indices sont statistiquement significatives, le QI a peu de sens et il est beaucoup plus intéressant de considérer chacun des indices.

Brasseur, Cuche et Goldschmidt (2007) ont proposé, dans ces cas, de parler de zone ou sphère de haute potentialité.

Ainsi, voyons le cas d’un enfant au profil intellectuel très hétérogène :

Arthur, 8 ans

Voici ses résultats obtenus avec le WISC-IV (entre parenthèses, figure l’intervalle de confiance):

  • Indice de compréhension verbale = 132 (120-137)
  • Indice de raisonnement perceptif = 133 (119-137)
  • Indice de mémoire de travail = 103 (94-112)
  • Indice de vitesse de traitement = 86 (78-98)
  • QI total = 122 (114-127)

Si on conclut qu’Arthur « n’a pas de haut potentiel » (parce que son QI est de 122), on occulte complètement ses aptitudes très élevées dans les domaines verbal et non-verbal. Mais si on conclut simplement qu’ « Arthur est haut potentiel », cela occulte ses capacités moyennes en mémoire de travail et en vitesse de traitement.

Selon la psychologue Isabelle Goldschmidt, il est dans ce cas intéressant de parler de:

  • Zones de haute potentialité dans le domaine verbal et en raisonnement perceptif;
  • Faiblesses relatives en mémoire de travail et en vitesse de traitement. Faiblesses relatives dans le sens où ses capacités restent dans la norme (et donc ne sont pas déficitaires per se) mais sont beaucoup plus faibles par rapport à ses autres capacités, et donc peuvent consitituer une faiblesse dans son profil.

Ce cas n’a rien d’exceptionnel. Il est même très fréquent dans les profils à HP que la  vitesse de traitement soit plus faible que les autres indices (pour en savoir plus sur les raisons qui peuvent expliquer cela, voir l’article récent de Labouret et Grégoire, 2018). On peut aussi avoir un profil où le domaine de raisonnement verbal est extrêmement élevé alors que le raisonnement non verbal est dans la norme (ou inversement).

Des faiblesses en mémoire de travail et/ou vitesse de traitement peuvent aussi être dues à des difficultés d’attention et/ou des fonctions exécutives (qu’il faudra alors investiguer).

Un décalage important entre différents domaines intellectuels entraîne des facilités dans les cours impliquant le domaine de prédilection et davantage d’efforts à fournir dans les domaines où les aptitudes sont dans la moyenne. Chez certaines personnes, cette sensation de décalage peut être déstabilisante. Elles peuvent se sentir « nulles » dans le domaine où elles sont moins douées, éviter de s’y investir et/ou développer des fausses croyances sur leurs capacités intellectuelles générales.

Quid des autres types d’intelligences ?

Il est clair que les échelles d’intelligence validées et utilisées dans la pratique (WISC et WAIS) ne ciblent que certains domaines intellectuels. En l’occurrence, ceux qui sont fortement impliqués à l’école: l’intelligence logico-mathématique, visuo-spatiale et  linguistique. La mémoire de travail est aussi évaluée parce que cette capacité cognitive est fortement impliquée, notamment, dans le raisonnement (pour aller plus loin, voir ici).

Or, de toute évidence, il existe des personnes qui démontrent des aptitudes exceptionnelles dans d’autres domaines, comme la musique, la mécanique, le sport ou encore les relations interpersonnelles. Ce qui laisse penser qu’il existerait d’autres formes d’intelligences que celles classiquement testées.

Howard Gardner a beaucoup écrit à ce sujet (cfr. les intelligences multiples de Gardner) et a proposé des questionnaires supposés évaluer différents types d’ « intelligences » via des questions sur les compétences et les goûts d’une personne dans différents domaines. Cependant, ces questionnaires ne sont pas validés scientifiquement et restent très subjectifs (pour une critique intéressante, voir Larivé et Sénéchal, 2012). Ils peuvent être intéressants pour réfléchir à ses talents, à ses compétences, ou pour renforcer l’estime de soi d’un enfant mais ils ne sont en rien comparables aux échelles de Wechsler.

Y a-t-il des caractéristiques spécifiques au haut potentiel ?

On entend souvent dire que le HP se caractérise par une hypersensibilité, une façon de  penser qui serait qualitativement distincte de celle des non-HP, de l’anxiété, un perfectionnisme, etc.

Cependant, contrairement à ce qu’on peut lire sur de nombreux sites grand public, les recherches n’ont pas mis en évidence de manière catégorique des caractéristiques spécifiques au haut potentiel, hormis bien sûr… les hautes capacités intellectuelles (Brasseur et Cuche, 2017).

Il existe bien des caractéristiques positivement corrélées au QI, comme l’ouverture d’esprit (qui se marque par une grande curiosité intellectuelle, une flexibilité d’esprit, une ouverture aux idées nouvelles, une tolérance à la diversité…) et la créativité , mais en aucun cas, ces traits, à eux seuls, ne permettent de détecter le potentiel intellectuel. Ces qualités sont (heureusement) présentes chez bon nombre de personnes ayant des capacités moins exceptionnelles (pour plus d’infos basées sur la recherche, voir l’excellent ouvrage de Nicolas Gauvrit ici).

Certains professionnels affirment aussi sur base de leur expérience clinique que le HP se caractérise par des caractéristiques comme l’ hypersensibilité, sentiment d’injustice exacerbé, anxiété, perfectionnisme, humour décalé… parce qu’ils sont confrontés à beaucoup de patients présentant ces caractéristiques. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les personnes avec un HP présentent ces caractéritiques ! Si on se penche sur les recherches qui ont porté sur de grands groupes d’enfants (recrutés aléatoirement dans des écoles et pas dans des cabinets psy ou des associations de HP), il n’y a, à ce jour, pas de preuves scientifiques démontrant que le HP s’accompagne plus fréquemment de ces caractéristiques. Sur le plan clinique, toutes ces caractéristiques sont évidemment importantes à prendre en compte pour mieux comprendre la personne, mais elles ne peuvent en aucun cas être considérées comme des critères pour qualifier une personne de « HP », comme on peut le lire parfois. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un enfant est malin, hypersensible, sensible à la justice, perfectionniste, mal adapté à l’école etc. qu’il est HP.

Dans le pire des cas, l’étiquette HP est posée sur un enfant sur la base unique de critères qualitatifs, sans identification sérieuse et parfois au détriment de l’identification d’autres troubles (anxiété,  TDAH, dyspraxie…) et l’enfant ne reçoit pas le soutien adapté. C’est malheureusement ce qui est pratiqué par certaines personnes (voir un exemple frappant dans le reportage, vers la onzième minute, de la RTBF ici).

Par ailleurs, même si on ne prend que les critères intellectuels, on ne peut pas dire qu’il existe un « fonctionnement HP » type (ex: raisonnement global plutôt que séquentiel etc.). En effet, il peut y avoir de multiples profils intellectuels. Affirmer que les « HP » sont comme ci ou comme cela, n’a aucun sens puisqu’il ne s’agit pas d’une maladie ou d’un trouble du développement comme l’autisme, par exemple.

Source de difficultés?

Il existe actuellement une tendance à pathologiser le HP dans les médias, les livres grand public ou même dans les écoles. Or, les recherches scientifiques bien conçues ne mettent pas en évidence davantage de troubles (comme l’anxiété ou la dépression) chez les personnes avec HP (voir Gauvrit, 2017).

Comme souligné plus haut, c’est le contexte dans lequel s’inscrivent les hautes capacités intellectuelles qu’il est essentiel de prendre en compte pour comprendre les difficultés d’une personne. De manière générale, le bien-être d’une personne dépend fortement de l’environnement dans lequel elle évolue, des opportunités qu’elle a de se réaliser et de ses autres caractéristiques personnelles (ex: habiletés sociales, gestion des émotions, personnalité, capacités attentionnelles, motivation, persévérence…). Quand une personne vit des difficultés, les causes peuvent être en lien avec ses hautes capacités intellectuelles… mais pas forcément.

Parfois des capacités qui s’écartent fortement de la norme peuvent parfois  à des difficultés d’adaptation scolaire ou professionnelle. Ainsi, un enfant extrêmement doué dans un ou plusieurs domaines scolaires peut s’ennuyer en classe et perdre sa motivation s’il ne reçoit pas de défis intellectuels adaptés à ses aptitudes. A l’adolescence, certains, malgré leurs grandes facilités pour apprendre, se retrouvent en échec. Une des raisons peut être liée au fait que ces jeunes ont appris sans jamais devoir travailler (notamment à l’école primaire) et n’ont donc pas encore développé de stratégies particulières pour apprendre. Ils peuvent aussi avoir intégré la fausse croyance selon laquelle on peut réussir sans travailler quand on est intelligent. Or, de façon intéressante, des études ont montré que les jeunes à haut potentiel qui ont cette croyance ont tendance à être plus souvent en échec (voir Brasseur & Cuche, 2017). En effet, à partir d’un certain stade de la scolarité, l’intelligence seule ne suffit pas pour réussir. Il faut aussi avoir développé d’autres compétences comme la persévérance, l’autocontrôle, la planification, l’organisation, la gestion des émotions et de la motivation…

Pour conclure, rappelons encore une fois que tous ces exemples de difficultés ne sont pas spécifiques aux personnes à haut potentiel et peuvent se rencontrer chez bon nombre de jeunes. Rappelons également que le HP n’a rien d’une pathologie et que de nombreuses personnes ayant manifestement de hautes capacités intellectuelles se portent bien. En cas de difficultés, il est essentiel d’investiguer les autres causes possibles des difficultés et de prendre en compte toute la singularité de la personne.

Catherine Demoulin

Pour aller plus loin :

Le TDA/H: Trouble Dysfonctionnel de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

De quoi parle-t-on ?

Le trouble dysfonctionnel de l’attention avec ou sans hyperactivité ou TDA/H est la façon actuelle de concevoir un ensemble de particularités cognitives et comportementales, présentes depuis l’enfance, et qui ont un impact sur le fonctionnement social, scolaire, familial et/ou professionnel de la personne. Ces particularités sont:

  • des symptômes d’inattention persistants :  une tendance excessive à la distraction qui aboutit à des erreurs et des oublis fréquents, à des difficultés à s’organiser, à suivre des instructions jusqu’au bout, à terminer ce qui est commencé… L’inattention entraîne aussi de grandes difficultés à rester concentré sur des tâches peu stimulantes ou bien difficiles, ou encore à suivre une conversation. Le « vagabondage mental » involontaire est très marqué. Cela n’empêche pas que la personne peut rester hyperconcentrée sur des tâches qu’elle apprécie et qui la stimule particulièrement.
  • accompagnés ou non d’hyperactivité et d’impulsivité : cette hyperactivité est le plus souvent désorganisée et non constructive: difficultés à rester assis tranquillement, à se détendre, pensées qui vont dans tous les sens,  bougeotte ou agitation intérieure très présente. L’impulsivité se marque, quant à elle, par des difficultés à inhiber les actions verbales, motrices, cognitives ou émotionnelles: tendance à parler trop, sans réfléchir, à couper la parole, à être impatient, à se précipiter dans l’action, à manquer de tact…

Il est tout à fait possible de présenter un trouble déficitaire de l’attention (TDA) sans présenter des symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité. Le TDA se marque alors principalement par de la lenteur, une forte tendance à la rêverie et au vagabondage mental.

Je suis souvent distrait… Ai-je un TDAH?

Toute personne qui est un peu tête en l’air, rêveuse ou encore très active n’a pas un TDAH pour autant. La question de la sévérité des symptômes et de l’impact fonctionnel de ceux-ci sur le quotidien de la personne est primordiale. Autrement dit, les symptômes doivent être associés à un retentissement clinique ou psycho-social, et être présents dans au moins deux domaines de la vie courante. 

De plus, les symptômes d’inattention ou d’agitation ne sont absolument pas spécifiques au TDA/H. D’autres facteurs, comme l’anxiété, le burnout, une surcharge mentale, une dépression ou un déficit de sommeil, par exemple, peuvent entraîner des symptômes similaires à ceux du TDA/H. Il n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre ces différents facteurs.

L’évaluation diagnostique se fait par un entretien avec le patient ou ses parents durant lequel les symptômes et les difficultés sont discutés. Pour que le diagnostic de TDAH soit posé, il faut que des symptômes soient :

  • très fréquents;
  • présents depuis l’enfance (bien qu’ils puissent être parfois compensés par certains facteurs) ;
  • qu’ils aient un impact marqué sur le quotidien de la personne
  • pas mieux expliqués par un autre trouble ou une autre cause (épilepsie, troubles des apprentissages, hypo/hyperthyroïdie, dépression, forte anxiété, addiction au cannabis…)

Notons que des troubles psychoaffectifs peuvent aussi créer chez l’enfant des symptômes semblables à ceux définissant le TDA/H, mais dans ce cas, on parlera d’hyperactivité ou d’inattention réactionnelle et non de TDA/H.

Il en va de même chez un ado ou un adulte qui, par exemple, ne dormirait pas suffisamment ou travaillerait trop: en cas de fatigue ou de surmenage, il est normal de présenter des difficultés d’attention.

Certains enfants ayant de grandes facilités intellectuelles peuvent aussi montrer des symptômes d’inattention en classe et de l’agitation, sans présenter de véritables troubles: leur comportement est alors surtout dû à de l’ennui et à un manque de stimulation intellectuelle adaptée à leur niveau. Cependant, il est aussi possible de présenter à la fois de hautes aptitudes intellectuelles et un TDAH. 

Les évaluations psychologiques peuvent aider à exclure d’autres diagnostics possibles (ex : trouble d’apprentissage, faiblesses intellectuelles, HP, troubles anxieux primaires…) ou encore explorer la contribution de facteurs sociaux ou psychologiques.

Cependant, une comorbidité avec d’autres symptômes, syndromes ou troubles psychiatriques est habituellement retrouvée chez l’enfant et l’adulte TDAH dans environ 75% des cas. Par conséquent, il convient de réaliser par ailleurs une évaluation psychiatrique générale des symptômes, syndromes et troubles habituellement comorbides. Les problèmes de santé mentale les plus fréquents associes au TDAH comprennent les troubles anxieux, dépressifs, bipolaires, l’abus de substances et les addictions, les troubles du sommeil et les troubles de la personnalité; tous doivent être recherchés.

En conclusion, comme le TDAH n’a aucun symptôme spécifiques, les chevauchements avec d’autres troubles peuvent être nombreux. Le diagnostic de TDAH est donc loin d’être évident, surtout plusieurs troubles ou facteurs potentiels sont présents.

Qui pose le diagnostic de TDA/H ?

Le TDAH figure dans le DSM (le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) qui fournit des critères comportementaux qui doivent être remplis pour pouvoir poser le diagnostic. Il n’y a pas de tests biologiques ni psychométriques pour identifier le TDA/H.

En principe, le diagnostic est posé, pour un enfant ou un ado, par un.e neuropédiatre ou pédopsychiatre spécialisé.e dans le TDA/H. Chez les adultes, c’est un.e neurologue ou psychiatre spécialisé.e qu’il faudra consulter (et attention, les listes d’attente sont parfois très longues chez ces spécialistes). Ces médecins s’appuieront sur les antécédents complets de la personne et sur la collecte d’informations transmises par des personnes côtoyant l’enfant (parents, enseignants, bilans effectués chez le/la psy). Il faut toujours une  évaluation médicale complète dans le cas d’un TDAH.

Un.e neuropsychologue (qui est un psychologue) ne pose pas de diagnostic médical comme celui du TDA/H mais peut  mener un entretien clinique  approfondi avec les parents et l’enfant ou avec l’adulte, en vue de récolter un maximum d’éléments, donner son avis sur l’origine des symptômes, émettre des hypothèses diagnostiques qui seront confirmées ou non par un médecin.

Le/la neuropsychologue peut aussi réaliser un bilan intellectuel et neuropsychologique pour évaluer plus précisément les différentes fonctions cognitives (notamment attentionnelles et exécutives) et apporter des informations permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’enfant ou de l’adulte, ses forces et faiblesses.

Attention ! De bonnes performances dans les épreuves ne permettent pas d’écarter un TDAH. En effet, certains enfants ou adultes ayant les symptômes d’un TDAH dans leur vie quotidienne réussissent les tests car ils sont, par exemple, motivés ou intéressés par les tâches ou encore parce qu’ils se trouvent face à une tâche cadrée, dans un environnement sans distractions. A l’inverse, des personnes sans TDAH peuvent avoir des performances déficitaires à ces tests pour de multiples raisons.

Les bilans neuropsychologiques ne sont donc pas obligatoires pour poser un diagnostic de TDAH. Cependant, avec l’observation qualitative durant leur passation, ils restent très intéressants pour la compréhension du fonctionnement de la personne et apportent des informations qui pourront être utilisées dans l’accompagnement.

Le rôle de l’environnement

« Dans un environnement adapté, on ne souffre pas du TDAH ».
Dr. Louis VERA

Actuellement, de plus en plus de personnes se plaignent de leurs capacités d’attention et beaucoup se reconnaissent dans les symptômes du TDAH. Certains parlent d’ailleurs de mode. Mais les symptômes du TDAH n’ont rien de nouveau.

Cependant,  la gestion de son attention est devenue cruciale pour bien fonctionner dans le monde d’aujourd’hui. En effet, nous sommes plus que jamais constamment bombardés d’informations, de choix, de distractions, de tentations… Parrallèlement, l’école et le monde du travail favorisent et valorisent les personnes capables de rester focalisées sur leur tâche, les personnes consciencieuses, stables, plutôt que les personnes rêveuses, impulsives, dispersées ou désorganisées.  On peut donc dire que la société actuelle est loin de constituer un environnement favorable aux personnes qui ont ce profil, ce qui peut selon moi expliquer le fait que la question du TDAH  se pose de plus en plus fréquemment.

Si l’on conçoit le TDAH comme une particularité du fonctionnement cognitif qui, en interaction avec l’environnement, aboutit à des comportements dysfonctionnels, on peut dire que l’environnement actuel conduit à une augmentation du nombre de personnes souffrant du TDAH. En effet, la souffrance engendrée par les symptômes du TDAH dépend fortement de l’environnement dans lequel la personne évolue et le monde actuel constitue un véritable challenge pour un cerveau TDAH.

On peut imaginer que, pendant des centaines de milliers d’années, posséder les particularités du TDAH n’étaient pas aussi problématique et pouvait même constituer un avantage sélectif. En tout cas, nos ancêtres ne devaient pas rester tranquillement assis à écouter quelqu’un parler pendant des heures, rédiger des documents, gérer de la paperasse administrative, recevoir et filtrer des milliers d’informations par jour, résister à consulter son Smartphone et ses possibilités infinies de distractions… Or, filtrer et ignorer les distractions pour se concentrer sur une tâche plus utile (mais qui l’intéresse peu) est particulièrement problématique pour une personne TDAH.

Au niveau plus familial, le rôle de l’environnement est aussi déterminant: un environnement compréhensif, cadrant, encourageant et bienveillant peut permettre à la personne TDAH d’accepter ses faiblesses, d’en compenser certaines, d’apprendre des stratégies et d’avancer…  Alors qu’un environnement dévalorisant, rigide, maltraitant ou trop exigeant peut avoir pour conséquence une mauvaise estime de soi, un sentiment d’incompétence, un mal-être général qui vont amplifier les symptômes…

Inversement, je suis persuadée que l’environnement actuel et certaines mauvaises habitudes (ex: Mode du multi-tâche, du travail en open spaces, des interruptions et distractions continues, manque de sommeil et sédentarité…) sont aussi propices à l’augmentation des difficultés attentionnelles et exécutives, sans qu’on ait pour autant un TDAH.

En conclusion, diagnostiquer un TDAH chez une personne, enfant et adulte, n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Certains profils TDAH sont plus évidents à identifier que d’autres, plus complexes.

Catherine Demoulin

Pour aller plus loin:

7 types d’aliments bénéfiques à la santé du cerveau

Nombreuses sont les personnes qui craignent un jour de souffrir un jour d’une maladie neurodégénérative, comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Ces conditions sont complexes et se caractérisent par la dégénérescence progressive des cellules nerveuses (neurones) dans certaines régions du cerveau. Les causes exactes de ces maladies ne sont pas entièrement comprises, mais on sait que plusieurs facteurs contribuent à leur développement, notamment des facteurs génétiques, environnementaux et biologiques.

Si on ne peut pas faire grand chose par rapport aux facteurs génétiques, on peut agir sur certains facteurs environnementaux. Outre l’exercice physique qui comporte de nombreux bénéfices pour la santé du cerveau et un bon sommeil, l’alimentation est un facteur clé sur lequel on peut agir. Certains aliments sont bénéfiques pour la santé du cerveau en raison de leur composition en nutriments spécifiques, notamment :

  1. Poissons gras : Les poissons gras tels que le saumon, le maquereau, les sardines et les anchois sont riches en acides gras oméga-3, en particulier en acide docosahexaénoïque (DHA). Le DHA est un élément structurel essentiel du cerveau et est associé à une fonction cognitive saine. Pour les vegans, les aliments à base de soja tels que le tofu et le tempeh contiennent des oméga-3, principalement sous forme d’acide alpha-linolénique (ALA).
  2. Fruits et légumes colorés : Les fruits et légumes colorés, en particulier les baies (myrtilles, fraises, framboises), les agrumes, les épinards, les betteraves et les carottes, sont riches en antioxydants et en composés phytochimiques qui peuvent protéger le cerveau contre le stress oxydatif et favoriser une fonction cérébrale optimale.
  3. Noix et graines : Les noix et les graines, notamment les noix, les amandes, les noisettes, les graines de chia et les graines de lin, sont de bonnes sources de gras sains, de vitamines, de minéraux et d’antioxydants. En particulier, les graines de lin entières ou moulues sont riches en acide alpha-linolénique (ALA). Il est préférable de moudre les graines de lin pour en tirer le meilleur parti, car cela facilite l’absorption du ALA par l’organisme.
  4. Curcuma : Le curcuma est une épice qui contient un composé actif appelé curcumine. La curcumine a des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires qui peuvent être bénéfiques pour la santé du cerveau et la prévention des maladies neurodégénératives.
  5. Thé vert : Le thé vert est riche en antioxydants et en composés bioactifs tels que les catéchines et la caféine, qui peuvent avoir des effets bénéfiques sur la fonction cérébrale, y compris l’amélioration de l’attention, de la vigilance et de la mémoire.
  6. Huile d’olive extra vierge : L’huile d’olive extra vierge est une source de gras sains, en particulier d’acides gras monoinsaturés, qui peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé du cerveau et les fonctions cognitives.
  7. Cacao et chocolat noir : Le cacao et le chocolat noir sont riches en flavanols, un type d’antioxydant. Assurez-vous de choisir du chocolat noir avec une teneur en cacao élevée (70% ou plus) pour obtenir les bienfaits antioxydants. Certaines études suggèrent que les flavanols peuvent avoir des effets neuroprotecteurs, en aidant à prévenir les dommages oxydatifs et l’inflammation qui sont impliqués dans les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre ces effets.

En plus d’une alimentation équilibrée, il est recommandé de faire de l’exercice régulièrement, de bien dormir, de gérer le stress et de maintenir des relations sociales enrichissantes pour promouvoir une santé cérébrale optimale.

Pour aller plus loin, voir aussi mes articles « 5 conseils pour bien vieillir » et « Bouger, c’est bon pour la mémoire »

Catherine DEMOULIN, neuropsychologue

Les commotions cérébrales dans le sport

Certains sports comportent naturellement plus de risques que d’autres, comme le rugby, le hockey sur glace, le football américain ou la boxe. Cependant, d’autres sports comme le basket-ball, le football, le vélo ou l’équitation comportent également certains risques. Sachant qu’il est impossible d’éviter tout risque de commotion dans la pratique sportive, mieux vaut savoir comment gérer ce type de blessure, qui ne ressemble à aucune autre.

Qu’est-ce qu’une commotion? Comment la reconnaître ? Que faire si on suspecte une commotion chez un de ses joueurs ou son enfant? Cet article vous permettra d’y voir un peu plus clair sur les commotions et, le cas échéant, d’avoir la bonne attitude si vous êtes confronté à ce type d’accident.

Qu’est-ce qu’une commotion ?

Une commotion cérébrale est un traumatisme crânien léger, à la suite d’un coup direct donné à la tête, au visage ou à la nuque ou d’un choc indirect, qui entraîne un mouvement rapide du cerveau à l’intérieur de la boîte crânienne. Bien que le traumatisme craniocérébral soit qualifié de léger, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une véritable lésion ou blessure que subit le cerveau. Il ne faut donc en aucun cas le prendre à la légère. Une commotion entraîne rapidement une brève altération de la fonction neurologique qui se rétablit spontanément.

Pendant longtemps, le diagnostic de commotion cérébrale était posé uniquement si une perte de connaissance avait lieu. Or, moins de 10% des athlètes perdent connaissance lors d’une commotion. Le meilleur indicateur d’une commotion serait plutôt l’amnésie circonstancielle (le moment de l’impact qui a entraîné la commotion est oublié par le patient. Les quelques instants qui précèdent également). D’autres signes d’alerte peuvent aussi indiquer une commotion: confusion, désorientation, vision floue, sensibilité à la lumière ou au bruit, problème d’équilibre

Toute suspicion de commotion doit conduire à la sortie définitive du match ou de l’entraînement. Attention à l’athlète qui minimisera ses symptômes pour ne pas être retiré du jeu! Une évaluation plus approfondie doit être effectuée hors du terrain pour mieux déterminer le niveau de gravité de la commotion cérébrale. L’athlète ne doit pas être laissé seul pendant les 4 heures suivant l’événement et il ne faut pas hésiter à consulter un médecin spécialiste dans les plus brefs délais au moindre doute.

Deux grands types de commotions

Les commotions simples

La grande majorité des commotions diagnostiquées sont dites simples: elles guérissent généralement dans les 7 à 10 jours, au maximum dans le mois chez les enfants.

Les commotions complexes

Quand les séquelles persistent au-delà de 10 jours chez un adulte ou au-delà d’un mois chez un enfant ou un adolescent, on parle alors de commotion complexe ou à évolution lente.

Les conséquences d’une commotion

Les séquelles d’une commotion cérébrale peuvent être multiples et variées. On peut retrouver quatre types de problèmes:

  • Des symptômes physiques: maux de tête, nausées, vertiges, étourdissements, troubles visuels, perte de conscience, perte d’équilibre, vomissements (surtout chez les enfants), sensibilité aux bruits ou aux sons …
  • Des changements comportementaux: irritabilité, tristesse, anxiété, sautes d’humeur…
  • Des troubles cognitifs: ralentissement (sentiment d’être au ralenti ou dans le brouillard), difficultés de concentration, de mémoire, troubles d’organisation, de planification…
  • Des troubles du sommeil: somnolence, hypersomnie, insomnie, difficultés d’endormissement…

Ces séquelles peuvent subsister à court, moyen ou même à long terme. On parle de syndrome post-commotionnel quand ces symptômes perdurent au delà d’un mois ou 6 semaines.

Ces symptômes peuvent évidemment perturber le fonctionnement social, familial, professionnel et/ou scolaire de la personne, et conduire à l’arrêt définitif de la pratique sportive à risque.

Il faut aussi savoir qu’une personne qui a eu une commotion cérébrale a 3x plus de chances d’en subir une seconde au cours de la même saison, et aussi plus de risque qu’un choc moins important engendre chez elle une autre commotion cérébrale. Les athlètes qui ont été victimes de commotions multiples ont souvent des déficits persistants de mémoire et des fonctions exécutives.

Les conséquences de commotions à répétition

Si le cerveau reçoit un nouveau coup alors qu’il n’est pas remis du premier, les risques peuvent être tragiques, avec des séquelles persistantes et handicapantes, voire même le décès. Il est donc essentiel de ne pas reprendre le sport à risque avant la guérison complète (disparition des symptômes). On parle de syndrome du second impact lorsqu’un athlète reçoit une autre blessure au cerveau, alors qu’il présentait encore les symptômes d’un traumatisme craniocérébral précédent. Ce syndrome du second impact est un événement rare, mais qui peut conduire à des résultats catastrophiques ou à un prolongement important du temps de récupération.

A plus long terme, les commotions à répétition peuvent également aboutir en une maladie neurodégénérative, comme l’encéphalopathie chronique traumatique. Cette pathologie se marque par des troubles cognitifs (mémoire, attention, fonctions exécutives), comportementaux (irritabilité, agressivité) et émotionnels (dépression et anxiété). Ainsi, de nombreux boxeurs à la retraite, suite aux chocs répétés sur la tête, ont développé ce type de pathologie, qui évolue ensuite vers une démence. Les footballeurs (à cause du jeu de tête) auraient également 3,5 fois plus de chances de succomber des suites d’une pathologie neurologique que le reste de la population.

Le jeu de tête et les chocs tête contre tête au football sont susceptibles d’entraîner des traumatismes crâniens légers, qui à force d’être répétés, augmentent le risque de pathologies neurologiques lors du vieillissement. Les jeux de tête au football ont donc été bannis chez les enfants dans certains pays.

Prise en charge

Dans les 24 à 48h, le repos complet demeure le traitement de première instance de la commotion cérébrale: arrêt complet des activités physiques, intellectuelles et sociales pour diminuer au minimum l’activité du cerveau et ainsi accroître sa récupération. Le repos prolongé, en revanche, peut aussi avoir des effets indésirables. Une prise en charge individualisée est ensuite nécessaire.

Une commotion cérébrale est un traumatisme crânien qui comporte un haut degré d’incertitude. La prise en charge dépendra des symptômes présentés par la personne et de sa récupération.

Cette prise en charge doit être effectuée de manière pluridisciplinaire : médecin du sport, neurologue, neuropsychologue, physiothérapeute, préparateur physique… Il est en tout cas important d’être entouré par des professionnels compétents.

Certaines Fédérations Sportives (comme celle de Rugby) disposent de protocoles de prise en charge et de retour au jeu (ex: pas de retour au match ni à l’entraînement tant que les symptômes persistent). Cependant, on constate qu’en Belgique, on est toujours à la traîne par rapport à d’autres pays en matière de diffusion d’informations aux clubs sportifs dans les autres sports (jugés moins à risque). Il en résulte évidemment que beaucoup de victimes de commotions cérébrales n’ont sans doute pas été correctement détectées et suivies. Or, l’information et la sensibilisation auprès des sportifs, parents, coachs etc. sont le meilleur moyen d’éviter les séquelles à long terme d’une commotion.

Le retour à l’école ou au travail devrait également se faire de façon progressive, avec les ajustements nécessaires, de façon à respecter les besoins particuliers de chaque individu. 

Quelques règles d’or en cas de commotion

La neuropsychologue, Catia Bendi, spécialisée dans la prise en charge thérapeutique des commotions cérébrales a proposé des règles d’or à respecter si vous êtes victime d’une commotion. En voici quelques-unes:

  • Etre patient. Comme la durée de la récupération est inconnue, il faut se montrer patient et ne pas vouloir reprendre son sport avant récupération complète.
  • Faire peu, se reposer beaucoup. La fatigue (physique ou mentale) est un symptôme prédominant après un traumatisme crânien. Il est donc primordial de se reposer. Il peut être judicieux de pratiquer ses activités le matin plutôt qu’en fin de journée. Il faut aussi alterner activités physiques et mentales, qui seront au départ peu nombreuses et qu’on augmentera par la suite, progressivement.
  • Maximiser ce qui fait du bien, minimiser ce qui fait du mal. Pour favoriser la récupération, il est nécessaire de rester en-dessous du seuil des symptômes. Il faut donc éviter les activités qui vont provoquer le développement des symptômes et découvrir de nouvelles activités qui font du bien au cerveau (marche, lecture…).
  • Intensité OU durée OU fréquence. Quand on augmente une activité physique ou mentale, on augmente soit son intensité, soit sa durée, soit sa fréquence, mais pas les trois en même temps.
  • S’arrêter avant ! Dans le cas d’une commotion, il ne s’agit pas de sortir de sa zone de confort (comme un sportif le fait habituellement). Il faut s’arrêter AVANT de ressentir les symptômes (maux de tête, étourdissement, fatigue…).
  • Eviter les écrans. On observe que les symptômes persistent plus longtemps chez les sportifs qui passent des heures sur les écrans. Il faut aussi se méfier de la lumière bleue produite par les écrans qui peut perturber les rythmes du sommeil.

En conclusion, une commotion cérébrale doit toujours être prise au sérieux, surtout chez les enfants et adolescents, dont le cerveau est en développement. On ne connaît jamais sa gravité au moment de l’impact, ni son évolution qui va dépendre de nombreux facteurs (type de choc, antécédents du sportif, nombre de commotions, âge, durée de l’amnésie…). Il faut donc se montrer particulièrement vigilant et ne pas hésiter à consulter un médecin spécialisé en cas d’un ou plusieurs symptômes mentionnés plus haut.

Références

  • Beni, C. (2019). Chapitre 3. Prise en charge d’une commotion cérébrale dans le sport. Dans : Roberta Antonini Philippe éd., 10 cas pratiques en psychologie du sport (pp. 51-74). Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.anton.2019.01.0051″
  • Lignes directrices sur la gestion des commotions cérébrales pour les thérapeutes du sport agréés du Québec (ici)
  • « Comment fonctionne le protocole de World Rugby pour la Reprise Progressive du Jeu » article publié en ligne le 03/02/21
  • http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/loisir-sport/Protocole_de_gestion_des_commotions_cerebrales_FR.pdf
  • Pour vous aidez à détecter une commotion en milieu sportif: https://education.sciencenorth.ca/wp-content/uploads/2020/06/Scat3-pocket-FR.pdf

Mieux étudier (1) : le fonctionnement de la mémoire

Pour beaucoup d’étudiants, étudier consiste à relire ou recopier ses notes dans l’espoir de les mémoriser pour le lendemain. Cette stratégie classique s’avère pourtant très peu efficace.

Mieux étudier passe par une meilleure compréhension du fonctionnement de notre mémoire à long terme. Avant de découvrir quelques stratégies efficaces, voyons donc brièvement les trois grandes étapes obligatoires du processus de mémorisation.

Le fonctionnement de la mémoire

La mémoire peut être définie comme la fonction cognitive qui nous permet d’encoder, de stocker et de récupérer des informations.

  • L’encodage. La première étape est de capter les nouvelles informations dans notre cerveau, autrement dit de les y faire entrer. Cet encodage peut être superficiel ou profond. S’il est superficiel (parce qu’on est inattentif, par exemple), les informations ne seront maintenues que quelques secondes et puis disparaîtront. En revanche, si nous lisons ou écoutons un cours qui nous intéresse et pour lequel nous avons déjà des connaissances, les nouvelles infos feront l’objet d’un traitement plus profond et seront intégrées aux connaissances préexistentes. Un encodage riche et profond aura donc un effet positif sur la formation d’une trace mnésique durable. Mais ce n’est que la première étape..
  • Le stockage et la consolidation. Les nouvelles informations encodées peuvent être stockées durablement si elles sont traitées en profondeur mais également, si elles sont utilisées régulièrement. En effet, pour consolider ses apprentissages, il faut réactiver plusieurs fois les connaissances récemment apprises…  Il faut également bien dormir, car c’est pendant le sommeil que le cerveau consolide et organise les souvenirs récents. Plusieurs courtes séances de révision espacées par des périodes de repos valent donc bien mieux qu’une longue séance de révision.
  • Le rappel/la récupération. Enfin, la dernière étape consiste à récupérer les connaissances stockées… quand on en a besoin. Certaines infos bien consolidées en mémoire peuvent être récupérées très rapidement et sans effort. D’autres sont plus difficiles à récupérer et nécessitent de mettre en place une stratégie de récupération. De nombreux exemples de la vie quotidienne illustrent un problème à ce niveau. Ainsi, c’est le cas lorsqu’on a un « mot sur le bout de la langue » ou qu’on ne revient plus sur le nom de la personne qui nous salue et qu’on connaît pourtant bien… Chez beaucoup d’étudiants en échec scolaire malgré leur impression de comprendre la matière, c’est cette étape qui n’a pas été assez entraînée et qui pose problème.

Dans un prochain article, nous verrons quelques stratégies permettant d’améliorer les processus mnésiques et dont l’efficacité a été démontrée par des recherches scientifiques.

Catherine Demoulin

 

Développer le goût de la lecture chez les jeunes 

Apprendre à lire demande beaucoup d’efforts, de pratique et une méthode adéquate d’enseignement. Mais devenir un lecteur, qui prend plaisir à lire, nécessite, non seulement de la pratique, mais aussi de bonnes attitudes parentales. Le rôle des parents pour construire les lecteurs passionnés de demain est, en effet, indispensable dans le monde actuel, comme nous allons le voir dans cet article.

Le constat : on lit de moins en moins chez les jeunes

Aujourd’hui, développer le goût de la lecture chez les jeunes, au point d’en faire un de leurs loisirs favoris, est loin d’être évident. Plusieurs études le montrent: le temps consacré à la lecture chez les jeunes comme chez les adultes baisse de plus en plus. En outre, le dernier rapport Pisa, publié en décembre 2016, montre que les performances en lecture des élèves francophones sont en-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE.

La faute aux écrans? 

Dès leur plus jeune âge, les enfants d’aujourd’hui grandissent entourés d’écrans qui capturent leur attention toujours plus efficacement. Le temps passé derrière un écran augmente continuellement (pour les grands comme pour les petits)  au détriment d’activités sportives, artistiques, de promenades ou de lecture…  

Quand on a un peu de temps devant soi, il est désormais plus naturel de sortir le Smartphone que de décider de prendre un livre.  Lire demande davantage d’effort à notre cerveau que regarder défiler ce que le fil d’actualité de FaceBook ou de YouTube nous propose ou de jouer afin de gagner des récompenses dans un jeu…Evidemment on peut lit aussi via son Smartphone, mais ça reste souvent une lecture plus superficielle au niveau de l’attention.

Le rôle de la dopamine

Quand bien même la plupart des contenus proposés par des algorithmes ne sont pas toujours passionnants, notre cerveau (et plus précisément, le circuit de la récompense) nous pousse à scroller sans fin, à la recherche de surprises, de nouveautés qui constituent des récompenses immédiates pour le cerveau. Ce circuit, lié à la dopamine, est en effet stimulé par tout ce qui est nouveau et potentiellement source de plaisir pour nous…

Il y aura toujours un moment où en surfant sur Internet, on tombera sur quelque chose d’amusant ou d’intéressant..  Notre cerveau a donc associé les smartphones, tablettes et consoles à des « distributeurs de récompenses immédiates » et une bonne dose de dopamine est sécrétée dès que l’on peut y accéder (et c’est généralement le cas 24h/24). C’est pour cela que l’on se retrouve souvent à surfer sur son Smartphone, sans un objectif bien précis, mais plutôt comme un pilote automatique, guidé par le « circuit de la récompense » qui est aussi celui à l’origine de nos addictions.

Mais comment, dans le contexte actuel, faire en sorte que les enfants prennent plaisir à lire et songent à se plonger dans un livre quand ils en ont l’occasion ?

Le rituel de l’histoire du soir dès le plus jeune âge

L’amour des livres se développe tôt. Si les premiers contacts avec la lecture et les livres se fait à l’école, lorsqu’il faut apprendre à lire, les livres risquent d’être associés à la scolarité et pas au plaisir.

Il est donc important de proposer des livres et de lire avec son enfant dès son plus jeune âge. Rien de tel pour cela que la lecture du soir.  Prendre le temps de partager un moment de lecture plein de tendresse avec son enfant, et ce dès ses premières années, est une façon d’associer durablement les livres (et la lecture) à des émotions positives. En outre, l’histoire du soir a le don de calmer les enfants, comme les parents. Une bonne dose d’ocytocine (l’hormone de l’attachement) et de dopamine avant de s’endormir rend vite les enfants accros à ces moments partagés, et c’est tant mieux. 

Si le coucher est associé à la lecture dès le plus jeune âge, il sera nettement plus évident pour un ado de prendre un livre pour trouver le sommeil, plutôt que de surfer sur son smartphone (ce qui est actuellement une mauvaise habitude prises par de nombreux ados que nous rencontrons en consultations). 

Image du film « Boyhood »

Un temps consacré à la lecture 

Si l’on veut que ses enfants passent davantage avec un livre en mains au lieu d’une tablette ou d’un joystick, il faut aussi montrer l’exemple et lire régulièrement (et pas  seulement derrière un écran). Pour les jeunes enfants, les parents sont le premier exemple à suivre. Si notre enfant nous voit régulièrement un livre en main et qu’il a, lui aussi, à portée de main, de chouettes livres, il y a de fortes chances qu’il en fasse de même. Laisser trainer des livres susceptibles de plaire à son enfant, bien en vue sur la table du salon et dans sa chambre… est un bon moyen d’attiser sa curiosité. Dès qu’il ne saura pas à quoi jouer ou qu’il s’ennuiera, il en piochera un et le lira… pour autant qu’il n’ait rien de plus stimulant comme alternative…

Il est aussi crucial de mette des limites de temps dans l’usage des distractions trop stimulantes, de les écarter pour éviter la tentation et de planifier du temps pour d’autres types d’activités (lecture, art, balades, sport…)

Le droit de choisir leurs lectures

Si votre enfant ne jure que par les BD Picsou, les mangas, les BD Game Over et refuse de s’attaquer aux livres que vous estimez de qualité (« A ton âge, je lisais Jules Verne ! »), peu importe ! Le principal est que l’habitude de prendre un livre pour le plaisir s’installe  : il consacre un moment de son temps à la lecture et y prend du plaisir. Si votre enfant est passionné par un sujet particulier (les Romains, les guerres, les chevaux, les dinosaures, le foot, Minecraft, la danse…), foncez chez votre libraire lui trouver des bouquins sur le sujet… Il y a aujourd’hui, des livres ou des BD sur tous les sujets possibles. 

 

 

Des bénéfices incontestables pour le développement du langage et des émotions

De nombreuses études ont montré que les enfants qui démarraient l’école primaire avec des connaissances liées à la « littéracie » (familiarité avec les lettres, familiarité avec les récits et avec le vocabulaire spécifique aux histoires, etc.) avaient nettement plus de facilités à apprendre à lire. Les enfants à qui on lit régulièrement des histoires ont également un vocabulaire bien plus développé que les enfants qui ne bénéficie pas d’accès aux livres.  La lecture de livres à son enfant est un des meilleurs moyens de développer son langage. 

Il en va de même pour les émotions. La plupart des livres d’enfants traitent des émotions et mettent des mots sur celles-ci. Au fil des lectures, l’enfant est familiarisé avec les émotions de base, comme la colère, la tristesse, la joie,…  il apprend à les reconnaître, les identifier, mettre un nom dessus. C’est une première étape cruciale dans le développement affectif de l’enfant. 

En conclusion, il n’y a que des bénéfices à lire avec son enfant dès son plus jeune âge. Tous les moments lecture permettront de tracer des chemins dans son cerveau, associant les livres à des sources de plaisir, de découvertes et de connaissances. Ce qui devrait faciliter l’envie de se plonger dans un livre par lui-même, plus tard.

« Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. »

Marcel Proust, Sur la lecture.

Des livres pour apprendre

Une des premières étapes dans les apprentissages scolaires, est la compréhension.

Comprendre, c’est relier les nouvelles informations que l’on reçoit avec d’autres que l’on a déjà en tête. Plus on a de connaissances sur un sujet, plus ce sera facile d’assimiler de nouvelles informations sur ce sujet et de les comprendre. Dans la plupart des apprentissages scolaires, il est donc bénéfique d’avoir quelques connaissances de base sur ce que l’on va avoir à apprendre. Cela permet d’avoir aussi une vision globale, une vue d’ensemble de ce que l’on va apprendre et du contexte dans lequel cela s’inscrit.

Découvrir par soi-même un sujet, à son rythme et de la manière qui nous convient le mieux, est généralement plus motivant que de dépendre entièrement d’un cours et d’un enseignant. On peut choisir de s’instruire via des documentaires, vidéo, films, et bien sûr via des lectures.

Comme je suis avant tout passionnée de livres, voici une série de bouquins dans des domaines variés, que je trouve très intéressants et agréables. Riches en images, ils sont accessibles à ceux qui ont des difficultés en lecture ou qui n’aiment pas lire.

Si vous connaissez des pépites dans le même style, n’hésitez pas à me les faire découvrir !

Mieux comprendre l’histoire :

                            

       

Mieux comprendre les sciences :

   

     

 Domaines divers :

          

  

Mieux apprendre avec le sketchnoting

Qu’est-ce que le sketchnoting ?

Le sketchnoting est une manière de prendre des notes et d’organiser des informations de manière créative, en général sur une seule page. Il s’agit d’une prise de note dynamique basée sur le visuel.

A quoi ça sert ?

Réaliser un sketchnote, implique d’abord un travail de compréhension de l’information (présentée dans un cours, un exposé, une conférence) et d’identification des points clés. Autrement dit, le sketchnoting nous pousse à traiter les informations en profondeur tout en nous centrant sur l’essentiel car nous devons tout représenter sur une seule page. Il nécessite d’organiser les informations, de saisir les liens entre les éléments, les relations de cause à effet… et de les synthétiser.

Mais la spécificité du sketchnoting est qu’il implique une transformation de certains concepts verbaux en une forme visuelle. Ce double codage des informations dans notre cerveau permet d’encoder les informations de manière plus efficace, et donc d’apprendre plus efficacement.

Enfin, réaliser un sketchnoting est bien plus amusant que la prise de notes traditionnelle ! Cet outil peut faire renaître chez certains le plaisir d’apprendre.

Tous ces éléments font du sketchnoting un outil très intéressant pour améliorer sa manière d’apprendre.

Pas mon truc ?

Si vous pensez que vous n’êtes pas doué en dessin, cela n’a pas d’importance: le but n’est pas de faire une œuvre d’art mais bien d’améliorer la compréhension et l’apprentissage d’un sujet. En débutant, inspirez-vous des modèles disponibles sur le web ou dans des bouquins, comme celui-ci :

Envie d’essayer ?

Il existe de chouettes bouquins pour s’initier au sketchnoting. Des exemples regorgent aussi sur le web. A vos feutres !

  • Verbal To Visual : site Web et super videos sur verbaltovisual.com
  • Apprendre avec le Sketchnoting (Editions Eyrolles)

L’art de moins procrastiner

« Si vous voulez qu’un travail facile ait l’air difficile, remettez-le sans cesse à plus tard. »

Olin Miller

Procrastiner, c’est remettre au lendemain ce que l’on devrait (et pourrait) faire le jour même. 

« Je le ferai plus tard », « Il n’y a rien qui presse », « Je surfe 5 minutes sur le Web, puis je m’y mettrai »

Ces phrases vous sont-elles familières ? Trouvez-vous toujours mille autres activités à faire quand c’est le moment de vous acquitter d’une tâche urgente ou importante? Cela peut se manifester dans les études ou le travail, les tâches de la vie quotidienne, les projets ou encore dans les prises de décision. Si oui, cet article peut vous aider, car, à la longue, la procrastination peut mener à de multiples problèmes :

  • Génère un stress ou aggrave un stress existant
  • Génère un sentiment de dévalorisation
  • Détériore la qualité des relations 
  • Engendre des difficultés financières (ex : factures non payées) et de santé (ex : RV médical non pris à temps)
  • Travail fait à la dernière minute et bâclé

Pourquoi est-ce que je procrastine ?

Tout d’abord, il s’agit d’un comportement, non d’une maladie. Plus précisément, un comportement qui est entretenu par des schémas de pensées inappropriés. La répétition d’un même comportement devient une habitude de fonctionner dont il est difficile de se défaire. Il est cependant toujours possible d’apprendre à se comporter autrement.

1-La recherche du plaisir et l’évitement de l’inconfort

La procrastination peut être une stratégie pour échapper à la frustration générée par une tâche ennuyeuse ou jugée trop contraignante. Reporter une tâche déplaisante ou fatigante (réviser, faire de l’exercice, travailler) au profit d’une activité plus plaisante ou moins fatigante (regarder une série, jouer à un jeu vidéo, aller sur Facebook) va permettre d’éviter et d’évacuer provisoirement la frustration. 

2-Le besoin de stimulation

Certaines personnes, surtout celles qui présentent un TDAH, ont besoin de plus de stimulation que les autres pour fonctionner correctement. Le circuit de la récompense (ou circuit dopaminergique) a besoin d’être fortement stimulé pour que les fonctions exécutives soient efficaces et que la motivation soit au rendez-vous. Certaines personnes peuvent donc préférer travailler dans l’urgence. Toutefois, même si l’adrénaline provoquée par l’urgence est perçue positivement par la personne, il n’en reste pas moins un stress, mettant l’organisme à rude épreuve et pouvant conduire à des situations d’épuisement si ce comportement devient chronique.

3-La peur d’échouer et l’auto-handicap

Certaines personnes procrastinent plutôt à cause de leur anxiété et/ou de leur manque de confiance en leurs capacités. Elles redoutent tellement de mal faire leur travail ou d’échouer qu’elles reportent à plus tard. En faisant le travail à la dernière minute, elles peuvent trouver une justification en cas d’échec ou de critiques. Cela peut être une manière de protéger son estime de soi en évitant de tester ses capacités réelles (« Si j’y avais mis plus de temps, j’aurais certainement mieux réussi ! »).

Le faible espoir de succès conduit donc à la procrastination. D’où l’importance de se fixer des objectifs à sa portée et de se donner les moyens pour réussir. 

4-Le perfectionnisme

Le perfectionnisme peut aussi entraîner des comportements de procrastination, surtout s’il s’accompagne de croyances de type « tout ou rien »: « Mon travail ne vaut rien s’il n’est pas exceptionnel ». En effet, la volonté d’effectuer une tâche parfaite peut générer un état de sidération empêchant le démarrage de l’activité. L’autocritique est généralement excessive et paralyse l’individu. Les erreurs sont vécues comme un échec. La procrastination liée à un perfectionnisme excessif peut être aussi un mécanisme de protection d’une estime de soi fragile (voir ci-dessus).

5-Le manque de clarté par rapport à la tâche à accomplir

Certaines personnes ont plein d’idées, de projets, d’objectifs grandioses. Elles commenceraient bien… Le problème, c’est qu’elles ne savent pas du tout par où commencer car rien n’est défini, rien n’est clair. Le cerveau est dans le flou, donc difficile d’avancer…

Et vous, pourquoi procrastinez-vous? Si vous souhaitez modifier vos habitudes, il est important de prendre le temps d’identifier les raisons qui vous poussent à reporter à plus tard.

Quelques petites stratégies

1 – L’importance de l’action (ou du premier pas) 

Dans tout travail, le plus dur est généralement de commencer, de se lancer… Surtout si le travail à fournir semble au-dessus de nos forces ou capacités. Dans ce cas-là, l’étendue du travail et la peur d’échouer, nous rend anxieux et on peut avoir tendance à tout faire pour éviter de s’y confronter (consciemment ou inconsciemment). Sachez cependant que l’anxiété ou le stress diminue généralement avec l’action. Donc même si la motivation n’est pas au rendez-vous, ne vous laissez pas le choix, n’écoutez pas vos excuses (vous en trouverez des tonnes de toute façon) et forcez-vous seulement à commencez la tâche, à faire juste un petit pas. Le but est de créer un mouvement qui vous sortira de votre apathie face au travail…

2 – Juste 10 minutes 

Si le premier pas vous semble immense, presque impossible, dites-vous que c’est juste l’histoire de travailler 10 minutes. Vous pouvez vous convaincre que  c’est juste l’histoire de le faire 10 minutes. Après ce court laps de temps de travail, vous refaites le point: soit vous faites une pause, soit vous continuez sur votre lancée (En général, une fois lancé, on se sent capable de prolonger).

3 – Planifiez de petites étapes/actions

Vous voudriez bien commencer mais ne savez pas par où ? Dans ce cas, découpez votre projet en étapes/actions. Faites un plan et notez les actions à réaliser pour atteindre votre objectif. Votre cerveau sera plus motivé à les traiter si elles sont clairement définies et courtes. Fixez un jour et une heure dans votre agenda pour vous y consacrer, mais commencer la première maintenant. Après chaque étape/mission réussie, barrez-la de la liste avec fierté; il y a fort à parier que votre circuit de la récompense y trouvera son compte et vous stimulera à avancer.

A noter qu’il n’est pas vraiment important de coller au plan à 100%, comme le disait Winston Churchill : « Ceux qui planifient réussissent mieux que ceux qui ne le font pas, même s’ils s’en tiennent rarement à leur plan ». L’idée est surtout d’y voir plus clair et de rendre le travail plus digeste.

4 – Fixer-vous des dates limites (deadlines) pour atteindre vos objectifs

Ceux qui ont tendance à procrastiner connaissent très bien ce moment où l’on se rapproche de l’échéance et que le stress commence à monter. Ce stress nous pousse à agir vite et à boucler enfin ce qu’on tardait à faire… Mais pour de nombreuses choses, personne n’est là pour nous mettre de « deadlines » et notre procrastination peut-être sans limite… Alors, si, par exemple, vous rêvez d’écrire un livre (ou tout autre projet difficile et à long terme), un conseil peut-être de vous fixer vous-même des échéances pour chacune des étapes (ex: rédiger le chapitre 1 pour le 31 octobre).

Enfin, si malgré ces conseils, vous ne parvenez pas à maîtriser votre procrastination et qu’elle vous pose des problèmes, il est recommandé de vous faire accompagner par un psychothérapeute.

Enfin, je ne peux que vous recommander l’essai du philosophe américain John Perry « La procrastination. L’art de reporter eu lendemain », qui traite de la procrastination… structurée 🙂  

A voir aussi la présentation TED très amusante de Tim Urban.

C. Demoulin