L’art de moins procrastiner

« Si vous voulez qu’un travail facile ait l’air difficile, remettez-le sans cesse à plus tard. »

Olin Miller

Procrastiner, c’est remettre au lendemain ce que l’on devrait (et pourrait) faire le jour même. 

« Je le ferai plus tard », « Il n’y a rien qui presse », « Je surfe 5 minutes sur le Web, puis je m’y mettrai »

Ces phrases vous sont-elles familières ? Trouvez-vous toujours mille autres activités à faire quand c’est le moment de vous acquitter d’une tâche urgente ou importante? Cela peut se manifester dans les études ou le travail, les tâches de la vie quotidienne, les projets ou encore dans les prises de décision. Si oui, cet article peut vous aider, car, à la longue, la procrastination peut mener à de multiples problèmes :

  • Génère un stress ou aggrave un stress existant
  • Génère un sentiment de dévalorisation
  • Détériore la qualité des relations 
  • Engendre des difficultés financières (ex : factures non payées) et de santé (ex : RV médical non pris à temps)
  • Travail fait à la dernière minute et bâclé

Pourquoi est-ce que je procrastine ?

Tout d’abord, il s’agit d’un comportement, non d’une maladie. Plus précisément, un comportement qui est entretenu par des schémas de pensées inappropriés. La répétition d’un même comportement devient une habitude de fonctionner dont il est difficile de se défaire. Il est cependant toujours possible d’apprendre à se comporter autrement.

1-La recherche du plaisir et l’évitement de l’inconfort

La procrastination peut être une stratégie pour échapper à la frustration générée par une tâche ennuyeuse ou jugée trop contraignante. Reporter une tâche déplaisante ou fatigante (réviser, faire de l’exercice, travailler) au profit d’une activité plus plaisante ou moins fatigante (regarder une série, jouer à un jeu vidéo, aller sur Facebook) va permettre d’éviter et d’évacuer provisoirement la frustration. 

2-Le besoin de stimulation

Certaines personnes, surtout celles qui présentent un TDAH, ont besoin de plus de stimulation que les autres pour fonctionner correctement. Le circuit de la récompense (ou circuit dopaminergique) a besoin d’être fortement stimulé pour que les fonctions exécutives soient efficaces et que la motivation soit au rendez-vous. Certaines personnes peuvent donc préférer travailler dans l’urgence. Toutefois, même si l’adrénaline provoquée par l’urgence est perçue positivement par la personne, il n’en reste pas moins un stress, mettant l’organisme à rude épreuve et pouvant conduire à des situations d’épuisement si ce comportement devient chronique.

3-La peur d’échouer et l’auto-handicap

Certaines personnes procrastinent plutôt à cause de leur anxiété et/ou de leur manque de confiance en leurs capacités. Elles redoutent tellement de mal faire leur travail ou d’échouer qu’elles reportent à plus tard. En faisant le travail à la dernière minute, elles peuvent trouver une justification en cas d’échec ou de critiques. Cela peut être une manière de protéger son estime de soi en évitant de tester ses capacités réelles (« Si j’y avais mis plus de temps, j’aurais certainement mieux réussi ! »).

Le faible espoir de succès conduit donc à la procrastination. D’où l’importance de se fixer des objectifs à sa portée et de se donner les moyens pour réussir. 

4-Le perfectionnisme

Le perfectionnisme peut aussi entraîner des comportements de procrastination, surtout s’il s’accompagne de croyances de type « tout ou rien »: « Mon travail ne vaut rien s’il n’est pas exceptionnel ». En effet, la volonté d’effectuer une tâche parfaite peut générer un état de sidération empêchant le démarrage de l’activité. L’autocritique est généralement excessive et paralyse l’individu. Les erreurs sont vécues comme un échec. La procrastination liée à un perfectionnisme excessif peut être aussi un mécanisme de protection d’une estime de soi fragile (voir ci-dessus).

5-Le manque de clarté par rapport à la tâche à accomplir

Certaines personnes ont plein d’idées, de projets, d’objectifs grandioses. Elles commenceraient bien… Le problème, c’est qu’elles ne savent pas du tout par où commencer car rien n’est défini, rien n’est clair. Le cerveau est dans le flou, donc difficile d’avancer…

Et vous, pourquoi procrastinez-vous? Si vous souhaitez modifier vos habitudes, il est important de prendre le temps d’identifier les raisons qui vous poussent à reporter à plus tard.

Quelques petites stratégies

1 – L’importance de l’action (ou du premier pas) 

Dans tout travail, le plus dur est généralement de commencer, de se lancer… Surtout si le travail à fournir semble au-dessus de nos forces ou capacités. Dans ce cas-là, l’étendue du travail et la peur d’échouer, nous rend anxieux et on peut avoir tendance à tout faire pour éviter de s’y confronter (consciemment ou inconsciemment). Sachez cependant que l’anxiété ou le stress diminue généralement avec l’action. Donc même si la motivation n’est pas au rendez-vous, ne vous laissez pas le choix, n’écoutez pas vos excuses (vous en trouverez des tonnes de toute façon) et forcez-vous seulement à commencez la tâche, à faire juste un petit pas. Le but est de créer un mouvement qui vous sortira de votre apathie face au travail…

2 – Juste 10 minutes 

Si le premier pas vous semble immense, presque impossible, dites-vous que c’est juste l’histoire de travailler 10 minutes. Vous pouvez vous convaincre que  c’est juste l’histoire de le faire 10 minutes. Après ce court laps de temps de travail, vous refaites le point: soit vous faites une pause, soit vous continuez sur votre lancée (En général, une fois lancé, on se sent capable de prolonger).

3 – Planifiez de petites étapes/actions

Vous voudriez bien commencer mais ne savez pas par où ? Dans ce cas, découpez votre projet en étapes/actions. Faites un plan et notez les actions à réaliser pour atteindre votre objectif. Votre cerveau sera plus motivé à les traiter si elles sont clairement définies et courtes. Fixez un jour et une heure dans votre agenda pour vous y consacrer, mais commencer la première maintenant. Après chaque étape/mission réussie, barrez-la de la liste avec fierté; il y a fort à parier que votre circuit de la récompense y trouvera son compte et vous stimulera à avancer.

A noter qu’il n’est pas vraiment important de coller au plan à 100%, comme le disait Winston Churchill : « Ceux qui planifient réussissent mieux que ceux qui ne le font pas, même s’ils s’en tiennent rarement à leur plan ». L’idée est surtout d’y voir plus clair et de rendre le travail plus digeste.

4 – Fixer-vous des dates limites (deadlines) pour atteindre vos objectifs

Ceux qui ont tendance à procrastiner connaissent très bien ce moment où l’on se rapproche de l’échéance et que le stress commence à monter. Ce stress nous pousse à agir vite et à boucler enfin ce qu’on tardait à faire… Mais pour de nombreuses choses, personne n’est là pour nous mettre de « deadlines » et notre procrastination peut-être sans limite… Alors, si, par exemple, vous rêvez d’écrire un livre (ou tout autre projet difficile et à long terme), un conseil peut-être de vous fixer vous-même des échéances pour chacune des étapes (ex: rédiger le chapitre 1 pour le 31 octobre).

Enfin, si malgré ces conseils, vous ne parvenez pas à maîtriser votre procrastination et qu’elle vous pose des problèmes, il est recommandé de vous faire accompagner par un psychothérapeute.

Enfin, je ne peux que vous recommander l’essai du philosophe américain John Perry « La procrastination. L’art de reporter eu lendemain », qui traite de la procrastination… structurée 🙂  

A voir aussi la présentation TED très amusante de Tim Urban.

C. Demoulin