Bougez ! C’est bon pour la mémoire

L’hippocampe est une structure du cerveau capitale pour la mémoire à long terme. C’est lui, en effet, qui nous permet de former des souvenirs à long terme. L’hippocampe est aussi impliqué dans la régulation de l’humeur. Nous en avons un dans chaque hémisphère.

amygdala-hippocampusDurant le vieillissement, le volume de l’hippocampe diminue progressivement (Raz et al., 2005), ce qui peut conduire à des difficultés de mémorisation et à un risque accru de démence (Jack et al., 2010). Or si l’hippocampe est trop endommagé, il n’existe aucune autre structure cérébrale capable de prendre le relais.

Le stress prolongé a également des effets délétères sur l’hippocampe, cela à tous les âges de la vie (Lupien et al. 2005). En effet, l’hippocampe est particulièrement vulnérable au stress chronique car ses cellules sont dotées d’un grand nombre de récepteurs de cortisol, une hormone libérée en cas de stress. Une exposition continue à des taux élevés de cortisol endommage les cellules hippocampiques.

Autrement dit, pour garder, autant que possible, une bonne mémoire en vieillissant, il est primordial d’éviter les épisodes de stress chronique. Une des manières de le faire peut passer par l’exercice physique qui permet d’améliorer l’humeur et de diminuer l’anxiété (Broman-Fulks et al., 2015).

Mais il semble que l’exercice physique ait une influence plus directe encore sur notre cerveau et sur l’hippocampe en particulier. En effet, plusieurs études ont montré que l’exercice, et en particulier celui pratiqué en mode aérobie (comme le jogging, la marche, la natation, le vélo réalisés avec une intensité moyenne), permet d’augmenter le volume de l’hippocampe, cela même chez les personnes âgées.

Dans une de ces études, Erickson et collaborateurs (2010) ont divisé en deux un groupe de 120 personnes âgées entre 55 et 80 ans. La moitié a dû marcher 40 minutes sur une piste, trois fois par semaine (groupe exercice aérobie); l’autre moitié a dû réaliser des exercices de stretching et de renforcement musculaire (groupe contrôle). Au bout d’un an avec un tel programme, les chercheurs ont fait passer un examen IRM aux participants et ont observé que les personnes qui ont fait de la marche ont vu le volume de leur hippocampe augmenter. En outre, l’augmentation du volume hippocampique était associée à de meilleures performances dans la tâche de mémoire spatiale réalisée en fin d’expérience. Dans le groupe contrôle, en revanche, le volume de l’hippocampe avait diminué (à cause du vieillissement). Cependant, cette diminution naturelle était moindre chez les personnes les plus actives et les plus en forme avant l’expérience.

Les résultats de cette étude indiquent donc que pratiquer régulièrement des exercices aérobie, comme marcher à un bon rythme, est efficace pour palier à la perte de volume hippocampique qui se produit durant le vieillissement cérébral et peut améliorer la mémoire.

Ces conclusions rejoignent celles d’autres études ayant mis en évidence les bienfaits de l’exercice sur la mémoire (ex: Richards et al., 2003Stewart et al., 2003Sabia et al., 2009Flöel et al., 2010Ruscheweyh et al., 2011; Kandola et al. 2016).

Comment l’exercice physique aérobie peut-il contribuer à améliorer le volume de l’hippocampe ?

Une première possibilité est que l’exercice physique aérobie ralentit le vieillissement cognitif en agissant sur les facteurs de risques vasculaires et métaboliques. On sait, en effet, que l’activité physique a des effets bénéfiques sur le système cardio-vasculaire et le métabolisme, ce qui favorise l’oxygénation de cerveau et pourrait donc concourir à la préservation/stimulation des structures cérébrales.

Une autre explication est que l’exercice physique pourrait stimuler directement les fonctions cérébrales en induisant des changements structuraux et neurochimiques dans l’hippocampe et les régions reliées. Plus précisément, faire de l’exercice augmenterait la sécrétion d’une protéine, appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau ou BDNF (pour Brain-Derived Neurotrophic Factor), qui est cruciale pour la croissance et la survie des neurones de l’hippocampe (Szuhany et al., 2015).

Ces deux explications ne sont pas mutuellement exclusives et sont toujours étudiées actuellement (Duzel et al., 2016).

Si la recherche a démontré que l’exercice aérobie est particulièrement intéressant pour le cerveau, cela ne signifie pas que les autres types d’exercices, comme le renforcement musculaire ou l’entraînement à haute intensité (comme le HIIT, pour hight intensity interval training, en anglais) sont à proscrire: ces exercices peuvent également être bénéfiques pour l’organisme et pour d’autres fonctions cognitives (Drigny et al., 2014; Guiraud et al., 2012). La recherche sur les effets de l’activité physique de type HIIT sur le cerveau sont en plein essor et on en saura sans doute davantage sur ses bénéfices d’ici quelques années.

Apprendre à lire

La lecture est une des voies privilégiées pour développer ses compétences verbales et ses connaissances sur le monde et sur autrui. C’est aussi un facteur essentiel à la réussite scolaire. Toutefois, apprendre à lire et à écrire est un apprentissage complexe qui nécessite un enseignement explicite, beaucoup d’efforts et de pratique.

Cet article (dont une grosse partie est issue de ma thèse de doctorat) a pour but d’expliquer comment se passe l’apprentissage du langage écrit dans un système d’écriture alphabétique.

Les particularités de l’apprentissage de la lecture dans un système alphabétique

Le système alphabétique permet, à partir d’un ensemble fini de caractères simples et abstraits, les graphèmes (ch, s, a, gn, ou), de représenter les plus petites unités phonologiques distinctives d’une langue parlée : les phonèmes, des unités phonologiques correspondant à différentes réalisations sonores. Ce principe vaut pour les nombreux systèmes alphabétiques, comme les alphabets latins, cyrilliques ou arabes.

1ère étape : prendre conscience des phonèmes

Lire et écrire dans un système alphabétique nécessite d’abord de découvrir le principe selon lequel les graphèmes représentent des phonèmes, et inversement. Ce qui implique, pour l’apprenti lecteur, de prendre conscience des phonèmes, c’est-à-dire d’être capable de les analyser et de les manipuler mentalement. Cette étape est délicate car les enfants non-lecteurs (tout comme les adultes analphabètes) n’ont pas naturellement conscience des phonèmes. En revanche, ils peuvent avoir conscience des syllabes et des rimes qui composent les mots. Ainsi, la conscience des phonèmes, étape décisive pour apprendre à lire, ne se produit pas spontanément mais nécessite de démarrer l’apprentissage d’un code alphabétique.

Si on veut favoriser son émergence, on peut également la stimuler, dès l’école maternelle, avec d’autres compétences métaphonologiques (manipulation des rimes, des syllabes). Cette stimulation précoce aux phonèmes est même fortement souhaitable. En effet, plus les habiletés métaphonologiques d’un enfant sont développées, plus vite il apprendra à lire (e.g., Bowyer-Crane et al., 2008; Bus & van IJzendoorn, 1999; Sénéchal, Lefevre, Thomas, & Daley, 1998). Parmi ces habiletés métaphonologiques, ce sont celles liées spécifiquement aux phonèmes qui sont, sans surprise, les plus prédictives des habiletés futures en lecture (Melby-Lervåg, Lyster, & Hulme, 2012, pour une méta-analyse récente).

Concrètement, pour favoriser l’apprentissage de la lecture, parents comme enseignants peuvent réaliser avec les enfants pré-lecteurs des activités langagières mettant l’accent sur les phonèmes. Par exemple, un exercice consiste à énoncer à l’enfant des mots comme « chemise, chapeau, charrette » tout en accentuant le phonème initial et à leur demander ensuite ce que ces mots ont en commun (i.e., le phonème initial /∫/).Version 2

Bon à savoir: l’acquisition de la conscience phonémique ne semble pas dépendre de l’intelligence, car même des enfants présentant des déficits intellectuels très sévères peuvent la développer (e.g., Morais, Mousty, & Kolinsky, 1998). Par contre, les enfants présentant (ou risquant de présenter) une dyslexie développementale rencontrent généralement des difficultés persistantes dans la perception ou la manipulation des phonèmes, cela malgré un contexte d’apprentissage approprié et des capacités intellectuelles normales ou supérieures (e.g., Ramus, 2003; Swan & Goswami, 1997).

2ème étape: apprendre le code orthographique

La découverte du principe alphabétique va permettre à l’enfant de mettre en correspondance la forme orthographique (le graphème) et la forme phonologique (le phonème), nécessaire pour décoder les premiers mots. Cependant, il va également falloir que l’apprenti lecteur acquière des connaissances à propos de ces correspondances.

L’ensemble des correspondances graphèmes-phonèmes (pertinentes pour la lecture) et phonèmes-graphèmes (pertinentes pour l’écriture) d’une langue correspond à ce qu’on appelle le code orthographique. Alors que le principe alphabétique est universel, le code orthographique, lui, est spécifique à la langue.

Dans des langues au code orthographique dit transparent, comme l’italien, le finnois, l’espagnol ou l’allemand, les relations entre les formes phonologiques et les formes orthographiques sont généralement consistantes : à chaque graphème correspond un seul phonème et à chaque phonème correspond un seul graphème. Quelques mois peuvent donc suffire aux apprenti lecteurs de ces langues pour en apprendre les correspondances et les appliquer à quasiment n’importe quel mot à lire ou transcrire (e.g., Seymour, Aro, & Erskine, 2003). En revanche, dans des langues au code orthographique plus opaque, comme le français, le danois et surtout l’anglais, les correspondances sont plus souvent inconsistantes : un même graphème peut représenter différents phonèmes (e.g., le graphème « ch » dans les mots chorale et chat) et un même phonème peut être représenté par différents graphèmes selon les mots (e.g., le phonème /k/ dans les mots chorale, carte, stock, tank ou quille). Maîtriser la lecture et l’orthographe dans les langues au code orthographique opaque nécessite donc plus de temps et de pratique (Seymour et al., 2003).

L’apprenti lecteur va apprendre ces règles (et les exceptions) de manière explicite, à l’école, mais surtout de manière implicite, à travers ses pratiques de lecture. En effet, à mesure qu’il rencontre et décode de nouveaux mots, ses connaissances des régularités du système orthographique de sa langue se développent, conduisant à une lecture de plus en plus rapide et à une écriture de plus en plus orthographiquement correcte (e.g., Share, 1995, 1999, 2004). Ce processus d’auto-apprentissage, comme l’a dénommé David Share (1995), contribuerait au développement du lexique orthographique dès le tout début de l’apprentissage (Cunningham, Perry, Stanovich, & Share, 2002). Ainsi, plus le jeune lecteur va lire, plus ses compétences en lecture, en orthographe, en vocabulaire et en compréhension à la lecture vont donc s’améliorer. D’où l’importance d’aimer lire, à défaut d’aimer étudier !

Au niveau cognitif, l’apprentissage du code orthographique se traduit par le développement de connexions entre les représentations orthographiques, phonologiques et sémantiques des mots. Ces connexions se consolident au fil de la pratique pour aboutir à la reconnaissance rapide et directe des mots écrits (e.g., Ehri, 2005, 2014; Ehri & Wilce, 1979). Ainsi, chez le lecteur expert, la simple vision d’un mot écrit semble activer immédiatement sa signification et sa prononciation. L’automatisation du processus d’identification de mots est l’une des caractéristiques essentielles de la lecture experte. Mais avant d’en arriver là, l’apprenti lecteur va utiliser différentes stratégies pour identifier les mots écrits.

En conclusion, devenir un bon lecteur prend du temps et demande des efforts. Pour favoriser l’apprentissage de la lecture et que l’enfant ait l’envie d’apprendre, il est primordial de cultiver le goût de la lecture à la maison, en lisant des histoire à son enfant dès le plus jeune âge, en lisant soi-même, en mettant des livres à disposition de son enfant, en faisant des jeux de mots avec lui, en intégrant le week-end des moments lecture… Ne l’oublions pas, les habitudes des parents en matière de lecture (le fait qu’on lise beaucoup ou rarement à la maison par exemple) conditionnent en partie celles qu’adopteront les enfants.

Catherine Demoulin

  • Ma thèse de doctorat réalisée à l’ULB